Avant de s’aventurer dans la structure, rappelons ce qui fait la spécificité du narrateur témoin. Ce choix, loin d’être anodin, engage votre manuscrit sur des sentiers moins balisés que celui du narrateur omniscient ou du « je » principal. Il s’agit d’une voix en retrait : une figure d’observateur impliqué, mais jamais force motrice de l’action.
Nous butons parfois sur une question : pourquoi choisir le témoin ? Qu’apporte-t-il que le protagoniste ou l’omniscient n’offre pas ? L’enjeu central : établir une distance qui ouvre le texte, sans couper son fil émotionnel.
Paradoxe : la retenue du témoin, en différant ou tamisant l’émotion, peut la rendre plus puissante. La scène n’est pas livrée « brute » : elle passe par un filtre, qui crée attente, tension, vibration.
On trouve dans Le Grand Meaulnes (Alain-Fournier) cet art du témoin : le récit d’adolescent s’exerce, à distance, par l’amitié – et la nostalgie n’en est que plus poignante (« Il me semblait qu’Augustin Meaulnes était déjà un peu en dehors du monde », source : Le Grand Meaulnes).
Le narrateur témoin, en déposant sa parole, offre un terreau rare à la littérature d’aujourd’hui : il accueille la nuance, protège la fragilité, cultive l’attention au détail. Dans une époque saturée de points de vue saturés, il invite à la patience, à la contemplation, à la construction d’une émotion réfléchie plutôt qu’immédiate.
À celles et ceux qui hésitent : laissez le témoin s’épanouir dans votre structure. Sa modestie n’est jamais faiblesse, sa réserve peut être une force incomparable. Les grandes scènes littéraires ont parfois germé dans l’ombre ; elles n’attendent qu’une voix, la vôtre, pour fleurir à leur tour.
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