Raconter à rebours consiste à construire une histoire où la chronologie habituelle est retournée : le récit commence par la fin, puis explore, scène après scène, ce qui a mené à cette issue. Un dispositif exigeant, popularisé par le cinéma (même si la littérature l’a précédé) et qui oblige à penser la structure avant chaque mot, chaque point de vue, chaque tension.
« Le temps est la matière dont je suis fait », écrivait Borges (Fictions, 1944). Ce matériau, la structure inversée le travaille à l’envers, offrant des voix qui déjouent nos habitudes de lecture.
Pourquoi choisir un récit à rebours, et à quels pièges faut-il veiller ? Voici les graines fertiles (les forces) et les cailloux sur le chemin (les écueils à éviter).
Analysons trois récits qui ont fait leurs preuves, sources à l’appui :
À chaque fois, le choix du récit inversé s’ancre dans le sens même du texte : qu’il s’agisse de la mémoire, de la culpabilité, ou du destin, la structure façonne la voix.
Avant de semer la première phrase, il s’agit de baliser le terrain. La structure inversée ne s’improvise pas : elle réclame un contrôle rigoureux du fil narratif.
Un conseil à ancrer : ne jamais sacrifier la lisibilité à l’expérimentation. « Nul artifice ne doit faire oublier la sève », dirait Annie Ernaux (La place, propos d’entretien, France Culture, 2013).
La difficulté : éviter la monotonie. Un récit à rebours peut sembler figé si chaque scène remonte le temps sur le même tempo. Quels leviers pour garder la tension ?
Harlan Coben, interrogé sur sa technique de découpage (NPR, 2010), insiste : « L’enjeu, c’est la tension ; si vous tuez le rythme, vous tuez le livre. »
L’exercice s’avère exigeant. Voici ce que signale le retour d’expérience d’auteurs et de comités de lecture (cf. Écrire, un plaisir à la portée de tous, Bernard Mouralis, 2022) :
Quelques conseils applicables lors de la fabrication :
Pour la publication traditionnelle, notez que les comités de lecture apprécient la clarté : pensez à joindre un synopsis précis, et si possible un schéma.
Le récit à rebours n’est pas une solution miracle, mais une voie à explorer pour travailler la structure et réinventer la voix. Comme la serre protège la plante rare, la structure inversée vous oblige à questionner le moindre mouvement de votre texte.
Aujourd’hui, alors que l’attention est sollicitée de toutes parts, jouer avec la chronologie, c’est réengager la curiosité du lecteur. C’est aussi affirmer sa singularité dans la jungle éditoriale.
Osez essayer. Écrivez (et réécrivez) à l’envers. Que votre structure prenne racine, et que votre voix trouve son propre rythme, même à rebours.
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