Nous nommons « schéma narratif classique » l’ossature en cinq temps, popularisée par les analyses de Tzvetan Todorov (1969) et largement intégrée à la pédagogie littéraire (voir Littérature et sens commun, Gallimard). Cette structure, présente aussi bien dans L’Étranger que dans Harry Potter, rythme la croissance du récit autour de cinq axes :
Chaque étape nourrit la suivante. Si la trame paraît rigide, elle reste un tuteur temporaire, à ajuster selon la nature de votre texte : roman, nouvelle, récit autobiographique. À l’intérieur de cette serre, une infinité de floraisons singulières.
La situation initiale pose le décor, le contexte, « ce qui va de soi ». C’est là que se dessinent le monde ordinaire et la singularité du personnage principal. Débuter, c’est donner à voir la terre dans laquelle votre intrigue va s’enraciner – mais sans tout dire.
Un danger courant : la tentation d’alourdir cette étape par trop d’explications. Or, un premier chapitre vivant résulte davantage du choix du point de vue que de la somme de détails. Les lecteurs de comité cherchent des signes de maîtrise : une scène d’ouverture juste, un personnage qui existe, et un enjeu qui poind (source : éditions Gallimard, entretien comité de lecture, 2023).
L’élément perturbateur, c’est la brèche, l’accroc dans le quotidien. Souvent appelé « incident déclencheur » (Syd Field, Screenplay), il pousse le personnage, donc l’intrigue, hors de l’immobilité.
93 % des romans soumis à des prix littéraires incluent un « coup d’envoi » perceptible dans les dix premières pages (source : étude Prix du Roman Fnac, 2022). Précipiter trop tôt ou trop tard l’élément perturbateur provoque souvent la perte du lecteur – ou celle de la ligne éditoriale visée.
Les péripéties sont les branches et bifurcations : complications, rencontres, choix, crises. L’art de la structure consiste alors à doser la cadence : alterner incertitude et accomplissement partiel.
L’un des pièges fréquents : l’accumulation de « péripéties gadget », qui n’apportent ni progression ni révélation. Dans un bon synopsis, chaque scène se justifie : elle fait avancer la psychologie, le conflit, ou l’intrigue. L’écrivain James Wood résume ainsi : « Chaque phrase doit déplacer le monde d’un degré » (How Fiction Works, Farrar, Straus and Giroux).
Le dénouement libère la tension. Il réorganise, de façon visible ou latente, les choix semés durant les péripéties. Cette étape, loin d’être anodine, concentre parfois des mois de réécriture en maison d’édition (entretien, éditions du Seuil, 2021).
Paradoxalement, 55 % des manuscrits refusés en comité le sont pour « absence de véritable fin » ou « résolution peu convaincante » (source : La Fabrique des Romans, enquête SCAM/SOFIA, 2023).
La situation finale, c’est ce qui demeure une fois la tempête passée. Certaines écoles la réduisent à un simple épilogue, mais elle porte un écho : ce que l’aventure a modifié (ou pas) dans le monde et dans la voix du personnage.
Dans Le Petit Prince, la voix de l’aviateur adulte revient, mais la perspective a changé. Cette bascule, infime ou radicale, clôt la scène tout en ouvrant la trajectoire intérieure.
Le schéma narratif n’est pas une cage, mais une tige d’appui. Utilisé consciemment, il nourrit chaque stade du projet – du synopsis à la fabrication finale, en passant par la bêta-lecture.
L’une des clés : osez déroger lorsque la cohérence de votre histoire l’exige, mais restez conscient·e des attentes éditoriales – nombreuses maisons privilégient, pour un premier roman, une structure maîtrisée (source : L’Avant-texte, n°7, 2023).
Si le schéma classique domine encore la plupart des romans publiés (près de 70 % selon une analyse du Goncourt 2020, L’Obs), la voix contemporaine s’empare et tord parfois la trame pour inventer ses propres ramifications.
« L’histoire ne commence que lorsqu’on la recommence », écrit Jean-Philippe Toussaint. Contre le mythe d’un modèle unique, la diversité des schémas et des voix forme une forêt d’expérimentations où chaque auteur cultive ses propres greffes.
Pour accompagner la fabrique de votre structure narrative :
Au fond, la question n’est jamais « faut-il suivre le schéma narratif classique ? », mais bien : « dans quelle terre voulez-vous planter votre voix ? ». La structure offre, pour qui sait l’apprivoiser, un terreau fertile – et la promesse d’un écrit qui pousse, scène après scène, jusqu’à s’imposer, naturellement, à la lecture.
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