Impossible de dresser la serre d’un récit sans connaître la graine intime qu’on cherche à faire lever. Avant de penser à la narration, clarifiez la personnalité du personnage central : c’est le terreau de la voix textuelle. Piochons des repères concrets :
Conseil : Avant d’entamer la rédaction, listez en marge du synopsis 3 mots-clés définissant la psyché du personnage. Ils guideront votre cadence, vos coupes, vos choix de narration.
Maîtriser le point de vue n’est pas qu’une question technique : c’est structurer le rapport entre l’écriture et ce qui fait tenir le personnage debout. Tour d’horizon concret des options :
| Point de vue | Effet sur la personnalité | Quelques exemples |
|---|---|---|
| Interne (je) | Fait corps avec l’intime, reflète les biais et limites du personnage. | L’Amant de Marguerite Duras ; L’Étranger d’Albert Camus |
| Externe (il/elle) | Offre distance et objectivité, ou une ironie légère sur les actes. | Père Goriot de Balzac ; Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier |
| Omniscient limité | S’ouvre à la complexité psychologique sans trahir la voix principale. | Jane Eyre de Charlotte Brontë ; Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq |
La structure même des phrases façonne la perception que l’on a d’un protagoniste. On façonne un tempérament, non un simple canal d’action : les phrases courtes trahissent l’impulsif ou le lacunaire, les longues détours de l’introspection. Prenons deux extraits :
« Une écriture est une voix singulière qui prend le pouls de chaque phrase » (Virginia Woolf). Explorez la musicalité : la longueur, le rythme, l’irruption des silences. À la réécriture, songez au « bégaiement » ou à la fluidité selon la période du personnage – tout s’accorde, dans la construction d’une voix juste.
Le vocabulaire et la formation des phrases sont des outils puissants pour ancrer la narration dans la personnalité. Démonstration :
Travaillez la « ligne » lexicale avec des outils : corpus de mots, listes d’interdits (lexique trop adulte pour un enfant ; expressions trop fleuries pour un taiseux). La cohérence se fait dans la régularité, non l’uniformité stérile.
L’action et la voix se nourrissent mutuellement : un personnage hyperactif aura une narration où l’action prime sur la description, là où un contemplatif ralentit la structure au profit de détails sensoriels et analytiques. L’enjeu : éviter la dissonance. Rien ne pousse sans l’équilibre entre l’intérêts de scène et l’ancrage psychologique.
Penser la narration comme une serre ne signifie pas qu’elle doive étouffer l’intrigue : élaguez le superflu, attachez chaque détail à l’émotion ou au manque du personnage.
La première version égrène souvent des décalages – un mot qui ne devrait pas se trouver là, une tournure trop neutre pour un protagoniste extrême. Lisez chaque scène en cherchant la petite aspérité de voix : « Est-ce que cette phrase pourrait être signée par n’importe quel personnage, ou seulement par celui-ci ? »
Certains auteurs ont élevé l’adaptation de la narration à la personnalité au rang d’art :
Étudiez ces exemples : notez ce qui, précisément, façonne la voix (coupes, répétitions, choix d’ellipse, ruptures de syntaxe).
Un roman qui présente plusieurs points de vue expose l’auteur·rice à un risque de monotonie. Pour chaque personnage, construisez un mini-synopsis vocal : postures, accent, réticences. Travaillez la pluralité sans transformer vos voix en « tics de plume ». Multiplier les voix, c’est élargir la serre : veillez à la cohérence du sol tout en garantissant la singularité de chaque plante.
L’exigence envers la narration n’est pas un luxe : c’est une condition pour arracher le texte à la neutralité. Adapter la narration, c’est reconnaître à chaque personnage le droit à un sol qui lui soit propre, sans craindre la singularité, fêlure comprise. Cette quête rejoint le travail du comité de lecture : quelle voix, parmi tant d’autres, mérite de franchir la serre et de s’exposer à la scène ?
Les chemins sont multiples — chaque écrivain·e invente son propre arrosage, ses méthodes de coupe et ses rituels d’écoute. N’hésitez pas à partager en commentaire vos trouvailles ou vos exemples favoris. Ici, nous faisons pousser la littérature à son rythme, dans la patience des voix promises.
Nommer le narrateur, c’est déjà orienter la lecture et préparer la fabrication du manuscrit. Le narrateur façonne la ligne éditoriale du texte, en silence mais en profondeur. Est-ce une voix interne, invisible ? Ou un personnage qui...
Nous écrivons toujours pour faire vivre une expérience singulière au lecteur. Mais comment orienter cette expérience, sans jamais imposer ni trahir la confiance ? La narration forme la racine de toute manipulation juste de la perception. Elle est...
Avant d’entrer dans l’atelier, arrêtons-nous sur ce que l’on nomme « voix narrative ». Elle rassemble : Le choix du narrateur (interne, externe, omniscient, subjectif…) Le ton (grave, ironique, naïf, feutré…) Le rythme et la cadence (phrases longues...
Dans la serre des ateliers d’écriture, ces mots circulent souvent, blessés par l’à-peu-près : « point de vue », « focalisation », « narrateur », « voix ». Clarifions notre vocabulaire pour panser les maladresses narratives dès la racine : Point de vue : position d...
Avant de choisir, il faut écouter : quelle est la véritable intention du récit ? Souhaitez-vous sonder une intimité, suivre un destin, ou embrasser une fresque collective ? L’audace d’un narrateur omniscient ne répond pas à la même...