Un récit se distingue rarement par l’originalité de sa « grande idée », mais par la façon dont l’intrigue se déploie. L’arc narratif (terme emprunté à la dramaturgie et à la scénarisation) désigne ce cheminement : le trajet émotionnel, logique et symbolique parcouru de la page 1 jusqu’au dernier mot. Dans les comités de lecture, une structure bancale figure parmi les trois premiers motifs de refus de manuscrit (source : rapport 2022, Envolées d’éditeurs).
Pourquoi ? Parce qu’un bon « arc » permet :
D’après le dramaturge John Yorke, « chaque scène doit être tendue vers ce qui va suivre – sans tension, aucune croissance ne s’opère » (Into the Woods, 2014).
Aucun arc narratif ne prend sans une tension initiale assez forte. C’est la promesse implicite du texte : ici, quelque chose va (doit) changer.
Mais d’où vient cette tension ? Quelques éléments classiques :
À noter : une tension ne se décrète pas. Elle doit être visible dès les 10 à 15 premières pages pour que le comité de lecture (et donc votre futur lecteur) s’y accroche. Une étude menée par l’éditeur américain Sourcebooks révèle que 80 % des titres dont la tension centrale est clairement posée dès l’incipit franchissent l’étape de présélection (Source : Publishers Weekly, septembre 2023).
Un des pièges classiques : planter la promesse, puis la laisser s’étioler. Le secret : chaque scène doit, à son échelle, relancer la tension – soit en augmentant la difficulté, soit en faisant basculer le lecteur d’inconfort en incertitude.
Pour un arc narratif qui ne s’affaisse pas, osez :
La tension n’est pas qu’affaire de rebonds. « On peut tout jouer sur une scène immobile, si la peur ou le doute montent de page en page », affirmait Marguerite Duras lors d’un entretien à L’Humanité en 1986.
Le climax, c’est le cœur battant de l’arc narratif. Il ne s’agit pas que d’action, mais de la cristallisation – souvent brève, mais intense – des tensions accumulées. On l’attend, on la redoute, parfois on la devine… Rater le climax, c’est manquer la floraison attendue de la graine plantée au début.
Quelques repères pour un climax « maîtrisé » :
Chez Ian McEwan, « Le tournant décisif ne doit jamais être démonstratif, mais inévitable » (L’intérêt de l’auteur, conférence 2010).
Résoudre, ce n’est pas tout aplanir : c’est permettre la décroissance naturelle de la tension, indiquer que l’histoire – ou, du moins, l’étape actuelle du personnage – trouve un aboutissement. Dans la tradition anglo-saxonne, on distingue le denouement (dénouement externe) et la catharsis (réaction intérieure).
Quelques clefs pour ne pas saboter l’atterrissage :
Laisser la fin trop ouverte déçoit rarement les comités de lecture — mais elle doit être soutenue par une évolution intérieure perceptible.
Si construire un arc narratif reste un art plus qu’une science, quelques outils aident à ne pas se perdre ou se disperser :
Pour aller plus loin, je recommande : Story Genius de Lisa Cron, Auteur, où es-tu ? d’Anne-Claire Jarry, ou encore les fiches synthétiques sur le site Réussir son roman.com.
Le souci d’efficacité ne doit pas étouffer la voix. Ni tous les livres, ni toutes les scènes, ne s'ajustent aux modèles canoniques (le fameux « triangle dramatique » de Freytag, 1863). Nombre d’auteur·ices, d’Aurélien Bellanger à Maryam Madjidi, jouent des digressions ou des structures circulaires — pourvu que la cadence entraîne, que la plante prenne.
Envisagez l’arc narratif comme une serre : il offre un abri, pas une contrainte. À chaque voix de choisir sa courbe, pourvu qu’elle donne à la croissance de son récit sa direction propre. Tension, climax, résolution : un même mouvement, des milliers d’inflexions à inventer.
Vos récits n’ont pas à ressembler à ceux du voisin : ce qui importe, c’est d’aiguiser votre maîtrise des outils pour mieux vous en éloigner, quand l’intuition le commande. Une structure forte ne bâillonne pas l’écriture ; elle la porte, la soutient, jusqu’à la floraison.
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