La chronologie d’un texte n’est jamais neutre. Entre le temps de l’histoire (les faits, l’ordre « réel » des événements) et le temps du récit (l’ordre choisi pour la narration), l’auteur·rice sculpte une expérience. Gérard Genette, dans Figures III (Seuil), distingue trois grands rapports au temps narratif :
Conscient·e de ces outils, vous choisissez ce que le lecteur saura, quand et comment.
Rien n’est plus direct que la linéarité. De La Route de Cormac McCarthy à L’Étranger d’Albert Camus, la trame épouse la marche du temps. Pourquoi ce choix perdure-t-il ?
Mais comment éviter l’effet « plat » ou prévisible que lui reprochent parfois les comités de lecture ?
Le linéaire n’exclut pas la surprise, s’il s’accompagne d’un art du rythme et de la coupe.
Le retour en arrière – ou flashback – est devenu un classique du roman moderne. Chez Annie Ernaux (Les Années), les allers-retours entre souvenirs et observations tissent une polyphonie subtile. Mais l’analepses est plus qu’un « souvenir » inséré : c’est un choix de structure qui relie passé et présent, tisse la voix autour d’une faille, crée ou détend la tension.
Hitchcock citait dans Truffaut/Hitchcock : « Un bon suspense, c’est de faire saliver votre spectateur. » Le retour en arrière, bien amené, a ce pouvoir d’aiguiser l’appétit sans jamais déflorer tout le fruit.
L’ellipse est l’art de la coupe. De Flaubert (« Elle se maria : une matinée de janvier… », dans Madame Bovary) à Delphine de Vigan, nombre d’auteurs en font une signature narrative – ici, le non-dit fait germer les pistes.
Selon Lire Magazine Littéraire (oct. 2021), « l’ellipse est la force des textes qui misent sur la complicité ». Vos lecteur·rice·s ne demandent pas que tout soit expliqué : une coupe nette dans la narration, et la scène repousse dans leur imagination.
La gestion du temps n’est jamais innocente : elle affirme une voix, oriente la lecture. Quelques chiffres et réflexions récentes :
Quelques questions structurantes pour votre chantier :
Répondre à ces questions alimente la maîtrise de votre structure, et vous rapproche d’une écriture révélatrice de votre intention.
Gérer la chronologie, c’est souvent trancher. Parfois, un manuscrit prometteur pâtit d’une narration trop heurtée, ou d’un enchaînement artificiel de flashbacks. À l’inverse, la peur du « compliqué » entraîne des récits trop plans.
Quelques outils utiles :
« Raconter, ce n’est pas tout dire, c’est choisir ce qui fait pousser la phrase » (Virginie Despentes, Libération, 2020). Chacun et chacune invente ses outils ; expérimentez, coupez, faites repousser.
L’art de la chronologie, c’est aussi l’art de formuler les silences, de laisser germer des moments, des années, dans le non-dit ou la fulgurance. Linéarité, retours, ellipses : aucune solution unique, mais la promesse qu’au sein de chaque voix, la structure sera révélatrice d’un monde.
Votre manuscrit recherche sa cadence ? Nourrissez-la, laissez-la respirer, taillez sans crainte. La chronologie n’est pas une cage : c’est une serre, où l’on ajuste lumière et ombre pour qu’éclose la voix juste.
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