La subjectivité, c’est ce filtre que chaque auteur·rice pose devant la réalité de sa fiction. Elle colore, aménage, distord ou renforce la matière brute du récit. Mais comment, précisément, la subjectivité devient-elle ce levier qui étire l’attente, installe le malaise ou fait vaciller nos certitudes ? Interrogez la littérature : chaque voix singulière porte en elle une vision particulière du monde, et c’est cette vision, imparfaite ou partiale, qui sème la tension.
La clé ? Ne jamais donner toutes les cartes. Entre ce que le lecteur croit comprendre et ce qui échappe, la tension trouve son terrain de jeu.
Les faits, dans un récit, existent rarement à l’état pur. Un événement, selon le regard posé dessus, peut sembler tragique ou anodin, dévastateur ou absurde. Or, la tension naît fréquemment de ce décalage entre la réalité perçue et la réalité objective (si tant est qu’elle existe).
Rien n’est plus fertile à la tension que l’ambiguïté. La subjectivité permet d’amener des silences, des ellipses, des contradictions. Pourquoi ce personnage doute-t-il ? Qu’a-t-il cru voir, ou mal compris ?
La tension, c’est aussi une question de rythme. Lenteur, accélération, coupures. Une subjectivité nerveuse (phrases brèves, ponctuation hachée) transmet l’angoisse à la page. Au contraire, une voix apaisée ralentit, freine l’urgence – ce qui, parfois, crée une crispation inattendue.
L’écriture est un lent geste de fabrication. Pour que la subjectivité produise de la tension sans sombrer dans l’effet de manche, voici quelques outils éprouvés :
À noter : Les comités de lecture d’éditeurs relèvent souvent la maîtrise de la subjectivité comme argument majeur lors d’une première lecture, car une tension bien dosée accroît la capacité d’adhésion du lectorat (Source : Livre Hebdo ; enquête « Premier roman, la résistance du singulier », 2022).
Nul n’est à l’abri de deux travers : l’excès de subjectivité, qui obscurcit le propos au point de perdre la tension, ou au contraire une voix trop neutre, qui ne fait plus vibrer la page.
Une tension maîtrisée n’a pas besoin de feux d’artifice. Il suffit parfois d’un fléchissement, d’une hésitation dans la phrase pour que le doute affleure et irrigue toute la structure du texte.
La subjectivité fertile est d’abord un terrain d’exercice. Pour la cultiver dans votre serre d’auteur·rice, quelques suggestions :
Plutôt que de viser la neutralité ou le spectaculaire, faites confiance à votre singularité. La vraie tension narrative, c’est celle qui s’installe par le trouble, la nuance, la cadence propre à votre regard. Une structure bien pensée, des scènes vivantes, un dosage subtil : voilà ce qui permet à la subjectivité de nourrir le texte, sans l’engloutir.
La littérature se construit dans cet espace où la voix du narrateur, d’une page à l’autre, invente son propre rythme. La subjectivité y cultive l’incertitude, la surprise, parfois la stupeur. Le laboratoire de Graines d’Auteurs existe pour accompagner ce travail patient, pour offrir aux voix émergentes une serre où la tension grandit à mesure que l’on joue avec les filtres, les manques, les perspectives.
En cultivant la subjectivité, vous semez la promesse qu’aucune scène ne laissera le lecteur indemne, ni trop à distance ni noyé dans le flou. Travaillez, bêta-lisez, relisez, coupez : la tension naîtra si vous laissez germer ce doute entre les lignes, cette musique singulière qui fait lever le texte.
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