La dispersion narrative s’invite souvent sans prévenir. Elle trouble le lecteur·rice comme l’auteur·rice : digressions, ruptures de ton, scènes qui semblent greffées. Dans un rapport de la SGDL (2023), 41 % des manuscrits rejetés en comité de lecture l’étaient pour « incohérence de structure ou de ton ». Cela se manifeste par :
Siegfried Lenz l’énonçait simplement : « Ce qui tient un roman, ce n’est pas la force d’une phrase, mais la cadence du récit. » (Les Leçons d'allemand). S’il y a écart de cadence, il y a souvent perte de tension.
Tout manuscrit cherche sa « ligne » : cette coloration qui s’installe dès les premières pages et enveloppe la lecture. L’unité de ton ne signifie pas monotonie. Mais elle requiert une cohérence – une note dominante – qu’il s’agisse de réalisme social (Annie Ernaux), de tension psychologique (Delphine de Vigan) ou d’humour tranchant (Romain Gary sous le nom Émile Ajar).
Pistes concrètes pour fixer sa couleur :
Autant de graines qui, semées précocement, favorisent une floraison équilibrée.
Une bonne structure, c’est l’ossature du texte, souvent invisible au premier regard. Selon l’étude menée par la Revue Littéraire française (2021), 67 % des auteures et auteurs publiés relisent leur synopsis avant chaque réécriture. Pourquoi ? Parce que l’architecture du livre soutient la poussée de chaque chapitre.
Quelques repères structurels utiles :
Comme le dit Ursula K. Le Guin : « La forme, c’est le contenu lui-même ; la coupe donne au texte toute sa clarté. » (Steering the Craft).
La première version d’un manuscrit pousse dans tous les sens. Et c’est tant mieux. Mais vient ensuite le temps d’éclaircir la canopée : coupes, déplacements, reformulations. La bêta-lecture et le regard extérieur (atelier, comité de lecture, coach éditorial…) jouent ici un rôle décisif.
Pour affiner cette harmonie :
Une jacinthe ne pousse pas à la même vitesse qu’un chêne. Mais gardez le même sol narratif sous chaque page.
Changer de point de vue peut enrichir un texte, le dynamiser… ou le fragmenter. Selon l’enquête menée par le Syndicat national de l’édition (2022), la perte de repères sur les voix représente le troisième motif de réécriture structurelle suggéré en comité (après redondances et maladresses de style).
Quelques balises pour garantir la clarté du point de vue :
Comme le souligne James Wood : « Une voix bien choisie fait vibrer tout le roman, même quand le récit vacille. » (How Fiction Works)
L’unité, ce n’est pas la fermeture. Il s’agit d’organiser l’espace pour que chaque voix, chaque épisode, chaque bifurcation trouve sa place. L’ingénierie littéraire n’est pas ennemie de la spontanéité : elle l’encadre, la canalise, lui permet de s’affirmer. Selon Claire Guezengar, éditrice chez Diglee & Cie, « un manuscrit maîtrisé, c’est un texte où chaque scène sait pourquoi elle existe ».
La structure fait grandir chaque auteur·rice comme une serre guide la croissance d’une plante rare.
Personne n’attend une voix docile ou un livre lisse. Mais la puissance d’un texte tient, au final, à la justesse de son fil. Les manuscrits dont on se souvient longtemps – et les auteurs qui déboulent sur la scène littéraire – sont ceux dont la forme épouse la force du propos, tout en maintenant la tension jusqu’à la dernière page.
Nous sommes nombreux·ses, à Graines d’Auteurs, à accompagner ce délicat réglage. Si l’enjeu de l’unité de ton et de la structure vous traverse en ce moment, rappelez-vous : un texte qui vous ressemble, mais qui demeure lisible, permet à votre voix de grandir, d’emporter mitoyens, libraires, et, parfois, futures lectrices et lecteurs.
Que faire ensuite ? Relire, couper, ajuster – et laisser reposer. Car la patience fait aussi partie de la fabrication d’un livre juste, maîtrisé, singulier. Et ce travail, ici, nous le partageons pour donner à chaque manuscrit ses chances de floraison.
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